Moorcock est un auteur très hétéroclite, c'est un
fait. Outre ses écrits de Fantasy qui ont été pour
beaucoup dans son succès et sa renommée actuelle, il s'est
illustré aussi bien dans la science-fiction, le fantastique, le policier,
voire le mélange des genres... sans compter la littérature
générale tout simplement.
A cela s'ajoute évidemment sa fonction d'éditeur dans laquelle
il a lancé des auteurs, aujourd'hui reconnus et encensés par
beaucoup, tels que Brian Aldiss, John G. Ballard ou Norman Spinrad.
Michael Moorcock a commencé sa carrière d'écrivain
dans les pulps, les fanzines britanniques. Au tout début, ce furent
des récits sur des héros existants qu'il se fit la main, puis
plus tard, arrivèrent des héros de son invention tels que
Sojan (dont on peut lire une nouvelle dans "Elric à la fin des
temps") puis bien évidemment Elric que Moorcock a toujours décrit
comme étant le personnage le plus proche de lui-même... "Pour
moi, Elric, c'était moi (tout au moins, le moi des années
60!)". C'est donc sous la forme de nouvelles que les aventures d'Elric
débutèrent, puis plus tard Moorcock revint sans cesse sur
ce personnage, retouchant ses nouvelles ou en rajoutant d'autres, antérieures
ou postérieures pour compléter la vie de ce personnage.
Seulement, Moorcock n'avait jamais été un fan assidu de Fantasy
(faut le comprendre, dans les années 60, les auteurs de Fantasy de
qualité ne couraient pas vraiment les rues...), aussi ce qu'il désirait
par-dessus tout était d'écrire des oeuvres plus personnalles,
plus proches de sa vision "new-age" de la science-fiction. Malheureusement,
l'ironie du sort voulut que son succès vienne de sa Fantasy. Bien
qu'étant ses produits les moins soignés, c'est par eux que
Moorcock connut le succès et ils devinrent vite son seul moyen de
subsistance devant les flots de dettes qui le submergeaient.
Il continua donc sur sa lancée. Après Elric, le anti-héros
par excellence, il lanca de nouvelles histoires: celles d'Hawkmoon, Corum
et Erekosé. Ces quatre cycles se confondant parfois les uns avec
les autres forment le cycle de l'Eternel Champion et reste encore à
ce jour son oeuvre la plus vendue, la plus connue par le public, mais la
moins aimée de son auteur.
Ceci ne l'empêcha pas pour autant d'écrire une flopée
de romans loin de cette Fantasy. Il toucha à l'uchronie avec les
aventures d'Oswald Bastaple, voyageur du temps croisant sur sa route des
personnages tels que Staline ou Churchill; le policier baroque dans un monde
de science-fiction avec son personnage mémorable de Jerry Cornelius;
le voyage dans le temps teinté de romantisme mélancolique
avec sa série des Danseurs de la Fin des Temps, ou encore le fantastique
avec la série de Von Bek avec son héros passant un pacte avec
le Diable, un Diable bien différent de ce qu'on pourrait attendre...
Définir l'oeuvre de Moorcock est bien difficile, même si l'on
retrouve régulièrement des thèmes et des personnages
récurrents. On retrouve souvent des mondes décadents avec
des héros guère héroïques se retrouvant bien souvent
malgré eux à la tête d'une histoire dont ils ne tiennent
pas les rênes.
Toute l'oeuvre de Moorcock se passe dans un monde qu'il qualifia de Multivers.
Ses différentes histoires se passent dans des mondes fort divergents,
mais par la ficelle (que certains qualifieraient sans doute de "facile")
des mondes parallèles et du voyage dans le temps il est fréquent
de voir des rencontres entre personnages de différents cycles. Ainsi
Oswald Bastaple croisera fréquemment Una Persson, une des héroïnes
du cycle des Danseurs de la Fin des Temps ainsi qu'Ulrich Von Bek, tandis
qu'Una Persson verra également Elric qui lui-même rencontrera
chacun des héros des trois autres cycles de fantasy. Sans parler
du personnage récurrent aux initiales bien connues J.C. Il sera Jerry
Cornelius, ou Jharek Carnelian dans les Danseurs, ou Jhary O'Conel dans
Corum et bien d'autres encore.
Moorcock aime ce concept du héros aux mille facettes, voire tout
simplement cet Eternel Champion, vivant sans cesse cette existence de héros,
existence qu'il ne désire pas, qui le hante et détruit sa
vie encore et encore, d'une incarnation à une autre...
On pourrait également parler de "Voici l'homme" une nouvelle,
devenue par la suite un roman, qui marqua bien des esprits en 1969, puisque
Moorcock tente de répondre par le biais d'une histoire de voyage
dans le temps en 28 après Jésus Christ à la question:
et si le messie n'avait jamais existé?
Moorcock n'est pas un grand croyant, cela se voit dans la quasi-totalité
de ses écrits. Ses héros ont souvent l'habitude de combattre
les Dieux soit d'évoluer dans des mondes empreints de leur absence
ou de leur totale indifférence.
Moorcock est un auteur au regard unique, au talent large, mais dont les
écrits prolifiques ne sont vraiment pas tous de la même qualité...
Une chose est certaine, ce n'est pas sur la Fantasy qu'il faudra juger cet
auteur, même si son nom a fait date auprès du public à
ce niveau-là...